samedi 5 octobre 2019

Rencontre de l'association Les Vignerons de Garo

Les rencontres sont le sel de la vie!! Celle-ci fut tout particulièrement enrichissante.
Laissez-moi vous raconter toutes les découvertes que nous avons faites collectivement.

Ce samedi de bon matin, nous partîmes de Brécé en direction de Saint Suliac. Nous fîmes une halte au pied du Mont Garrot face à la Rance et aux vestiges d'un ancien camp viking.


Le mont Garrot (que vous verrez écrit de différentes façons dans le nom des rues et des lieux-dit du site (Garo, Garot, Garreau)) est un promontoire rocheux du massif armoricain qui culmine à 73m.
Il est traversé par un filon de quartz (blanc à rose) qui a servi à clore une parcelle de vignes sur le mont Garo : Le clos Garo!
L'histoire exacte de se clos est difficile à retracer. Le plus vraisemblable est que ces vignes étaient rattachées à la paroisse de Saint Suliac, elle même ayant été rattaché à différentes abbayes au cours de l'histoire. De nombreuses instances seigneuriales, le plus souvent religieuses, ont eut des possessions de terres sur Saint Suliac (qui englobait autrefois le territoire de La Ville-ès-Nonais), notamment l’abbaye bénédictine de Saint Florent de Saumur (connue pour défricher et mettre en vigne le coteau de Montsoreau, dès 1066, et qui ont des vignes près du port de Dinan). En 1136, la paroisse de Saint Suliac,qui dépendait jusqu'alors de l'évêché d'Aleth (Saint-Malo), passe sous la dépendance de l'abbaye de Saint-Florent-de-Saumur en Anjou qui fonde alors, au cours du XIIème siècle, le monastère de Saint-Laurent sur le Mont-Garrot. Du coup, il est bien sûr tentant de penser qu’ils aient pu cultiver la vigne sur le mont, mais on n’en a pas la preuve formelle.

Le point de rendez-vous avec les vignerons du Garo était au pied du moulin du Mont Garrot, parfaitement reconnaissable avec son toit crénelé.

De ce point de vue vous avez une vue imprenable au nord sur le charmant village de pêcheurs qu'est Saint Suliac.



C'est ici que nous avons été accueilli chaleureusement par François (président de l'association), Bernard (maître de la vigne et du chai), Jean-Bernard (géologue et archéologue) et Hervé (passionné de mycologie). François nous conte l'histoire viticole du Val de Rance.
La vigne était très présente du haut moyennage (avant le Xème siècle) jusqu'au milieu du 18ème siècle. Les moines et la noblesse prélevaient le 1er vin pour leurs consommations, alors qu'un deuxième vin, appelé piquette, était obtenue par ajout d'eau au moût du raisin et destiné au reste de la populations locale.

Plusieurs raisons expliquent le déclin du vignoble Breton, qui s'étendait du mont Dol, au golfe du Morbihan en passant par la Guerche de Bretagne jusqu'à Tréguier.
D'abord le petit âge glaciaire avec ses hivers longs et froids entre le XIVème siècle et le milieu du XIXème n'a pas été pas favorable à la pleine maturité du raisin et la qualité s'en ressentait.
Ensuite le développement du commerce a fait découvrir des vins issus des régions voisines (Pays Nantais, Anjou et Touraine). Enfin une loi probablement promulgué par Colbert, ministre de Louis XIV, obligea l'arrachage de la vigne au profit des céréales et des pommiers. La crise du phylloxéra à la fin du XIXème siècle finit d'anéantir la culture de la vigne en Bretagne.

De nombreuses initiatives associatives, de particuliers ou de professionnelles se développe en Bretagne depuis un peu plus de 15 ans. Une association vise à développer les échanges entre les viticulteurs amateurs bretons, il s'agit de ARVB (Association pour la Reconnaissance du Vin Breton).
Voici une carte qui les recense : (source : LETG - UMR6554 -unité mixte de recherche CNRS-Universités)

Après avoir chaussé nos bottes, nos guides nous ont conduit au clos où la vue sur la vallée de la Rance est époustouflante.

Le Clos Garo s'offre à nous sur cette exposition plein sud, d'où l'on aperçoit le campement viking dans la hanse du Vigneux ainsi qu'à l'horizon, le pont qui relie La Ville ès Nonais (35) avec Plouër sur Rance (22).

Bernard nous a parlé des deux cépages plantés sur la parcelle. En premier plan, la vigne, qui apparait déjà jauni, est un cépage rouge appelé le Rondo. Ce cépage n'est pas connu en France, mais est présent au sud de l'Angleterre, en Belgique, Pays-Bas et Danemark. C'est une vigne à développement précoce qui s'adapte bien sous ces latitudes. La vendange de cette partie a déjà été réalisé fin septembre. La vigne, 400 pieds planté en 2013 sur 852m2 (4700 pieds à l'hectare), est palissée et taillée en guyot. Le rondo est un cépage légèrement teinturier comme nous avons pu le constaté en pressant un grains de raisin dans nos mains et en voyant un jus rosé et non blanc en sortir.

Sur la partie moins en coteau, du 700 pieds chenin sur une surface de 2440 m2 a été planté en 2003 et taillé en gobelet, soit une densité de 2800 pieds à l'hectare, là où elle est d'au minimum 4000 en Anjou. La taille en gobelet est assez répandu dans le sud de la France, notamment en Languedoc-Roussillon pour conserver la fraicheur du raisin sur des parcelles trop exposé au soleil ou sur sol chaud. Ce choix, étonnant pour du chenin et si au nord, a été dicté par une volonté de faire renaitre une vigne telle quelle devait être taillée au moyen âge sans fil de fer pour palisser. Bernard nous a parler des complications que cela apporte pour l'état sanitaire de la vigne (retenu d'humidité au cœur du cep qui favorise le développement de champignons dévastateur (mildiou, oïdium), pour la maturité du raisin (manque de pénétration du soleil) et pour la taille qui est plus technique. C'est pour cela qu'il y a deux ans, le choix a été fait de continuer de tailler en gobelet mais en élargissant 4 sarments dit cornes sur lesquels quelques bourgeons sont laissé pour les tiges de l'année. Et quel succès, 2 fois plus de rendements, moins de maladie, et plus de maturité.

Maturité du chenin que nous avons pu apprécié en goutant le raisin qui n'est pas encore récolté et grâce à la mesure du taux de sucre (et donc du potentiel alcoolique) à l'aide d'un réfractomètre.
Si vous plongez un crayon dans un verre d'eau, à la surface de l'eau vous aurez l'impression que le crayon est coupé ! En effet, les rayons lumineux sont déviés lorsqu'il passe d'un milieu (l'air) dans un autre (l'eau). C'est ce que l'on appel la réfraction. Pour notre raisin, le phénomène nous est utile. Plus on ajoute de sucre dans l'eau, plus les rayons sont déviés. C'est ce que mesure le réfractomètre.
Nous avons pu voir que les grains de chenin sont proches de leur maturité alcoolique avec un potentielle de 10 à 11 degrés.

Jean-Bernard a précisé également qu'en plus de la maturité alcoolique, il faut attendre la maturité phénolique qui s'évalue en regardant la maturité des pépins (vert pas mûr, marrons mûr, trop durs= trop mûr).

Après le passage dans la vigne, nous sommes passé au chais situé dans une ferme cidricole voisine.
Les amis du Garo y ont tout le nécessaire pour l'éraflage, le pressage et la fermentation.

 L'éraflage consiste à retirer la rafle c'est à dire les brins qui tiennent les grains de raisin entre eux, formant ainsi la grappe. Cela permet d'avoir un jus plus concentré en fruit et moins végétale au palais.

 Le pressage du rondo se fait dans un petit pressoir mécanique traditionnel, c'est à dire avec un axe à vis sans fin horizontale sur lequel se déplace un plateau qui vient presser le raisin contre le fond de la cuve (à droite).
Alors que le pressage du chenin se fait dans un pressoir mécanique moderne. Équipé d'un axe sans fin horizontale sur lequel se déplace en sens inverse 2 plateaux qui viennent pressé le raisin au milieu du cylindre (ci dessous).









 L'année dernière, 1 tonne de chenin a été récolté produisant environ 500 litres de vin soit un faible rendement de 20 hectolitres à l'hectare. Le vin blanc et rouge passe en fermentation avec les levures endogènes présentent naturellement sur le peau des raisins. Le suivi de la fermentation nécessite une surveillance quotidienne. Sur le rouge, les deux fermentations (alcoolique et malo-lactique) sont réalisées afin d'apporté de la rondeur au vin, mais pour le blanc, seul la fermentation alcoolique a lieu pour garder la fraicheur du chenin sans apporter de notes beurrés. Les vins ne subissent pas d'élevage et sont donc mis en bouteilles sans filtration mais légèrement soufré pour assurer la conservation.

Nous avons eu le privilège de déguster le vin blanc 2018!!




















Et quelle agréable surprise!! Vin fruité et fleurie aux notes d'agrumes, il présente un profil ciselé avec une trame acide maitrisé et une jolie finale minérale. Certains d'entre nous y ont même noté des arômes de fruits exotique type ananas. Il a clairement fait l'unanimité et nous avons été impressionné par la complexité de ce vin produit par un groupe d'amateur passionné.

Nous avons ensuite gouté le vin rouge de l'année en fin de fermentation alcoolique. Là encore belle surprise! D'abord cette couleur d'un noir profond. Décidément le rondo est bien un cépage teinturié!
Au nez les fruits noirs ressortent également, avec la mûre notamment. La dégustation nous confirme le profile très fruité sur le fruit bien mûr. La bouche est ample, la matière bien présente, mais sans structure tannique. On est sur le fruit mûr et croquant. Le millésime 2019 s'annonce excellent.

Nous dégustons enfin le millésime 2018. On retrouve encore cette couleur sombre. Le profil olfactif et gustatif est par contre très différent. Le fruit est moins présent et un arôme fumé pointe le bout de son nez. Le vin est bien fait mais le profil moins inhabituel est un peu déconcertant.

Les vignerons du Garo étant constitué en association, leur statut les interdit de vendre leurs vins, à notre grande déception. Le vin produit est redistribué aux adhérents ou utiliser lors de dégustations gratuites pour promouvoir l'association.

Après de nombreux échanges, nous repartons pour Brécé, heureux d'avoir fait de belles rencontres et d'avoir découvert le vignoble breton en cours de reconstruction!!

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