vendredi 20 septembre 2024

Descente Œnologique des rives de la Garonne


 

 

    Le fleuve façonne le paysage, voie s'installer l'Homme sur ses rives et devient route de transport, de commerce et de mélange des cultures. C'est pour ces raisons que nous souhaitions aborder un terroir, c'est à dire un territoire reconnaissable pas son savoir-faire, par cette unité fédératrice qu'est un fleuve au sein d'une région viticole. Il y a nombre d'exemples de région viticole organisée autour d'un fleuve que ce soit en France (vallée du Rhône, de la Loire, de la Garonne, de la Dordogne...), comme à l'étranger (vallée du Rhin, de la Moselle, du Danube, du Douro, du Columbia aux USA...). 

Vignobles du Marmandais source : Les Marmandais

    Dans un paysage viticole, un fleuve ou une rivière peut-être à l'origine du relief au sein de plateau ou de plaine créant des coteaux au sols drainant propices à la vigne (terrasses du Lot dans le plateau calcaire du Quercy autour de Cahors, coteaux dans le bassin parisien (ancien fond océanique calcaire) par exemple autour de la Vienne à Chinon). L'érosion générée par le fleuve permet de découvrir différentes strates géologiques, devenant un vrai terrain de jeu pour les viticulteurs qui expriment leur terroir à travers des cuvées parcellaires aux caractéristiques gustatives et de vieillissement différentes, provenant des parties hautes ou basses d'un même coteau.

    Fleuve et rivière, comme les grand lacs, permettent de tamponner les écart de température entre le jours et la nuit créant ainsi un micro-climat plus doux créant des zones non-gelifs dans les secteurs très septentrionaux comme le long de la Moselle ou du Rhin, ou dans les secteurs à climat continentale voir montagneux, comme en Savoie ou en Suisse autour du lac Léman ou du lac du Bourget. Dans certains cas, le court d'eau apporte la touche d'humidité propice au développement de pourriture qui n'est noble que si sa prolifération est contenu par un terrain drainant et une bonne aération des vignes (comme dans la vallée du Layon, de la Dordogne à Monbazillac, de la Garonne et du Ciron entre Barsac et Sauternes). Tournons-nous justement vers la Garonne.

La Garonne, à travers les sols sédimentaires variés du bassin Aquitain

    La Garonne tire son nom de sa nature torrentiel et du gascon (et avant cela du celte et/ou d'un ancien basque) :  Gar = pierre et Onni = eau. De simples torrents à ses 3 sources en Espagne, elle dévale les pentes des Pyrénées et de ses piémonts en direction du nord. Puis elle bifurque vers le nord-est dans une première partie de plaine vers Toulouse. C'est dans la deuxième partie de plaine en direction de Bordeaux que les vignes y sont plantées à partir de Toulouse jusqu'à son embouchure. De simples torrents, c'est un grand fleuve au bec d'Ambès où elle se mêle à la Dordogne pour former la Gironde. La majorité des rivières du Sud-Ouest se jette dans la Garonne (Ariège, Tarn, Aveyron, Gers, Lot). Seul le bassin de l'Adour dans les Landes et le Pays-Basque échappe à la Garonne.
    Pour comprendre le paysage actuel de la région du Sud-ouest, il faut replacer plusieurs évènements dans l'ordre géologique. 
    Le plus ancien évènement dont on voit encore les conséquences est la formation du massif central (de -500Millions d'Années ou Ma à -250Ma), mais sans la chaine des volcans qui est beaucoup plus récente (-62Ma à il y a tout juste 10 000 ans). 
    Le soulèvement du massif central a été suivi par une succession d'affaissement (-250Ma à -20Ma), qui fit rentrer la mer sur ce qui va devenir le bassin Aquitain. Au fond de cette mer, les dépôts en couches des sédiments issues de l'érosion du massif central va créer le deuxième plus grand bassin sédimentaire de l'actuel France. 
    Il faut s'imaginer qu'à cette époque la péninsule ibérique touche la Bretagne. L'ouverture du Golfe de Gascogne (au Crétacé inférieur, -145Ma à -100), fait rentré l'Océan profondément dans les terres. C'est le mouvement de la péninsule Ibérique qui va par la suite engendrer les Pyrénées (-40Ma à -20Ma). 
    La Garonne à donc moins de 20 millions d'années. La dernière période où la mer recouvrait les terres dates du quaternaires et ne couvrait que le littoral allant du bassin d'Arcachon au Landes. Le sable de ce secteur date de cette époque.
Le sol actuel du bassin aquitain est donc composé de strates sédimentaires composés d'argiles de calcaire (activité océanique) ou de graviers et galet (riche en quartz, issue de l'érosion du massif centrale), ainsi que de molasse c'est à dire un mélange de sédiments calcaires et de graviers ou galets d'origine détritique formant une nouvelle roche sédimentaire friable aux grains de taille hétérogène.

La Garonne, et ses affluents ont creusés des vallées à travers ce bassin sédimentaire. Les terrains viticoles sont donc plutôt sur molasse aux abords du fleuve, plutôt sableux quand on s'éloigne sur la rive gauche. Avec ses nombreux affluents sur sa rive droite, tel que le Tarn, l'Aveyron et le Lot, ce sont des terrains plus calcaires qui sont découvert. Lorsque l'on se rapproche de Bordeaux sur la rive gauche, trouve les restes de sol molassique désagrégé, où le calcaire est partie et seul subsiste les graviers et galets appelé Graves.

La Garonne, une même histoire pour deux régions viticoles

    De Toulouse jusqu'à Bordeaux, la Garonne traverse la Haute-Garonne, le Tarn-et-Garonne, le Lot-et-Garonne et la Gironde, couvrant ainsi 2 régions administratives (la Nouvelle Aquitaine et l'Occitanie) et 2 grandes régions viticoles le Sud-Ouest et le Bordelais. Il peut paraitre étrange que le Bordelais ne fasse pas partie de la région viticole du Sud-Ouest, du fait de leur proximité géographique et historique. Mais c'est une rivalité commerciale dès le moyen-age qui va séparer Bordeaux du Sud-Ouest. 
 
    Dés l'Antiquité, les grecs apportent la culture de la vigne dans le sud-est (à Marseille et le long du Rhône) au VIème siècle avant notre ère. Avant la conquête de la Gaule par Rome (-58 à -50 avant JC), les romains commercent déjà avec toute la Gaule et importe massivement des amphores venues d'Italie (points rouges sur une carte un peu plus loin). Après la conquête romaine, le vin est produit dans la province nommée la Narbonnaise (cf carte ci-dessous) et la balance commerciale s'inverse avec un export de vins issus de cette région.
Carte des vignobles selon les auteurs antiques, Revue Gallia, 2011
 
 Bien que l'on ne sache pas exactement quand ni par qui la vigne a été introduite dans le Sud-Ouest, il est probable que ce soit via la route commerciale qui relie sud-est au sud-ouest, entre Narbonne et Bordeaux. Toulouse sera le centre névralgique de cette route, entre le commerce du vin venant de Narbonne (flèche rouge sur la carte) et la route de l'étain venant d'Angleterre, transitant par Bordeaux pour se terminer à Toulouse (flèche bleue sur la carte ci-dessous). 
Mais il est également possible que des vignes aient été planté avant l'a conquête romaine dans le sud-ouest. En effet des traces archéologiques datant du IIème siècle avant notre ère semblent attester d'une activité viticole à Montans dans le secteur de Gaillac, avant que les romains ne s'installe dans le sud-ouest. Au 1er siècle de notre ère, les romains vont apporter la vigne et le vin dans le bordelais en faisant de Burdigala (Bordeaux) un port de commerce. Les gaulois du Sud-ouest cultivent alors le blé et sont plutôt adeptes de la cervoise. Les romains vont importer certains cépages d'Italie, comme la duracina (ancêtre du Duras) et isoler des cépages naturellement présents dans le sud-ouest tel que le biturica dans le Pays Basque, qui serait l'ancêtre du cabernet franc. 
    Après la chute de l'empire romain, le clergé va permettre le maintient de la culture de la vigne mais celle-ci va être plusieurs fois mise à mal par des invasions vikings et autres peuples "barbares". A partir de 1189 et la consécration de Saint-Jacques-de-Compostelle érigée au rang de ville sainte par le pape Alexandre III, ce sont les routes de Compostelle qui vont favoriser la diffusion des cépages issus du Sud-Ouest aux autres régions de France, les pèlerins remontant malbec et cabernet Franc dans la vallée de la Loire.
 
    Un moment clé pour la région est le mariage d'Aliénor d'Aquitaine en 1152 avec le futur roi d'Angleterre Henri II. Cet évènement scelle en 1154 le rattachement de l'Aquitaine à l'Angleterre sous le règne de la dynastie Plantagenêt (cf carte ci-dessous) puis d'Henri IV d'Angleterre jusqu'en 1453, date de la bataille de Castillon dont Charles VII, roi de France, sort vainqueur. Cette période de trois siècles va donner un nouvel essor au commerce du vin avec de nouveaux débouchés commerciaux dont l'Angleterre. En 1214, Jean-Sans-Terre, qui règne après la mort de son frère Richard Ier (dit Richard Coeur de Lion, fils ainé de Henri II), va dispenser Bordeaux de droit de taxe à l'exportation pour l'Angleterre, donnant à Bordeaux un avantage commercial décisif. Le marché anglais va également façonner le gout du vin. 
    En effet, entre le XIII et XVIème siècles, les Anglais sont friands de vins rouges légers et clairs qu'ils nomment claret (repris sous le nom de clairet). Ce vin est soit issu de la fermentation conjointe de raisins blancs et de raisins noirs ou d'assemblage de vin blanc et de vin rouge. C'est pour ce marché anglais que le lien entre Bordelais et le Haut Pays (vignoble en amont de Bordeaux sur la Garonne et de La Dordogne) va devenir à la fois essentiel et déséquilibré. En effet, les cépages bordelais de l'époque sont moins colorés et tanniques que les vins du Haut-Pays. On va donc couper les vins de Bordeaux avec les black wines (vins rouge tannique) du Haut-Pays pour apporter plus de couleur. Le commerce sur la Garonne est alors essentiel pour apporter sur des gabarres, bateaux à fonds plats, ce vin noir jusqu'à Bordeaux. Mais afin d'écouler leur vin à l'exportation en priorité, les Bordelais vont obtenir un privilège en 1241 de Henri III, roi d'Angleterre. Seuls les vins bordelais peuvent être exporté après les vendanges jusqu'au 25 décembre. Cela permet de vendre la quasi totalité de leurs vins au marché anglais. Ce privilège, en plus de l'absence de taxe à l'exportation, va faire la fortune de Bordeaux pendant 500 ans. En effet, après le retour de l'Aquitaine dans le giron français en 1453, l'exportation se tourne vers le marchés des pays du Nord dont la Hollande, très friande de vins blancs, et les rois de France vont maintenir pour Bordeaux ces privilèges d'exportation jusqu'en 1773, date à  laquelle Louis XVI règle ce litige entre viticulteurs de Bordeaux et du Haut-Pays. 
    Pour revenir à la notion de claret ou clairet, celle-ci va évoluer aux XVII et XVIIIième siècles, les Anglais désignant alors tous les vins rouges de Bordeaux.
An Universal Etymological English Dictionary en 1721

    Avec la révolution et les guerres de l'Empire, le commerce maritime de Bordeaux chute obligeant le Haut-Pays à trouver d'autre débouché. Alors que Bordeaux vise toujours une clientèle anglaise fortunée, le Haut-Pays vise la classe ouvrière et la quantité prime sur la qualité. Ces deux régions viticoles vont de faite s'éloigner et chacune va se créer sa propre réputation. Pour le Sud-Ouest, cela va être une lente construction d'une identité commune, car le vignoble du Sud-Ouest est une myriade de petits vignobles éclatés. La notion même de région Sud-Ouest ne date que du début du XXième siècles et va coïncider avec l'arrivée des premières AOC en 1936 (Bergerac, Monbazillac, Jurançon). Chaque petit vignoble va progressivement se construire une identité puis un processus de rassemblement va permettre petit à petit de faire la promotion des vignobles du Sud-Ouest avec la création du Comité Interprofessionnel des Vins du Sud-Ouest en 1997 puis de l'Interprofession des Vins du Sud-Ouest en 2008 qui englobe toutes les AOP et IGP sauf le bergeracois, Béarn, Buzet et Jurançon.   

La Garonne, à travers de multiple appellations viticoles

Le Sud-Ouest

Les vins du Sud-Ouest se caractérisent par une grande typicité, parfois portés par des cépages endémiques (Duras, Fer Servadou, Négrette, Tannat pour les cépages rouges (en jaune sur l'infographie ci-dessous) et Len de L'el (Loin de l'Oeil), Gros et Petit Mansengs pour les cépages blancs (en vert ci-dessous).
 

 
Entre Toulouse et Bordeaux plusieurs appellations viticoles se succèdent (en Rouge sur la carte ci-dessous) tantôt sur la rive droite tantôt sur la rive gauche de la Garonne : Fronton, Saint Sardos, Brulhois, Buzet, Côte du Marmandais pour la région viticole du Sud-Ouest.

L'appellation Fronton (AOC 1975) est exclusivement dédiée au vin rouge et rosé. La spécificité de Fronton est son cépage Négrette, utilisé au minimum à hauteur de 50%. Syrah, cot (malbec), cabernet franc ou sauvignon ainsi que fer servadou, gamay cinsault et mérille peuvent compléter l'assemblage.

Saint-Sardos (AOC 2011) ne produit également que des vins rouge ou rosés. Il s'agit d'assemblage d'au moins 3 cépages dont la syrah (40 % minimum), le tannat (20 % minimum) et au choix le cabernet franc et/ou le merlot (10 % maximum).

L'appellation Brulhois (AOC 1984), dédié également aux vins rouges et rosés, propose des assemblages à partir d'au moins 3 cépages dont au moins un cépage principal (cabernet-franc, merlot, tannat) et de cépages secondaires (abouriou, cabernet-sauvignon, cot (malbec), fer-servadou).

 En Buzet (AOC 1973), les trois couleurs (rouge, blanc, rosé) sont possibles avec de la muscadelle, sauvignon et sémillion pour les vins blancs et merlot, malbec, cabernets franc et sauvignon pour les rouges.

L'appellation Cotes du Marmandais (AOC 1990) produit un vin blanc composé au minimum de 70% de sauvignon blanc ou gris et au maximum de 30% de muscadelle et semillion. Pour les vins rouges, merlot, cabernets franc et sauvignon sont les cépages majoritaires et peuvent être complété d'Arboriou, fer servadou, gamay et syrah.

Le Bordelais

Puis dans le vignoble Bordelais, se succèdent le long de la Garonne (en couleur sur la carte) : Sainte-Croix du Mont, Sauternes, Barsac, Loupiac, Cadillac, Graves et Pessac-Léognan.



La sélection de Stéphan

Voici la liste des vins proposés à la dégustation par Stéphan.
 
AOP : Vin de France (secteur de Fronton)
Type : Blanc tranquille
Cépage : Bouysselet
Domaine : Le Roc
Cuvée : Le Bouysselet
Millésime : 2020
Méthode de culture : Traditionnelle

 















AOP : Fronton
Type : Rouge tranquille
Cépage : Négrette
Domaine : Le Roc
Cuvée : Le Haut du Bois
Millésime : 2020
Méthode de culture : Traditionnelle











AOP : Buzet
Type : Rouge tranquille
Cépage : 50 % Merlot, 25 % Cabernet Franc et 25 % cabernet Sauvignon
Domaine : Château de Salles
Millésime : 2018
Méthode de culture : Traditionnelle

 

 

 

 

 

 

AOP : Cotes du Marmandais
Type : Rouge tranquille
Cépage : Merlot, Cabernet Sauvignon et Franc, Abouriou, Malbec, Fer Servadou et Syrah
Domaine : Montpeyrac
Cuvée : Sélection Terroir
Millésime : 2023
Méthode de culture : Traditionnelle


 

 

 

 

 

 

 

 

 

AOP : Sauternes
Type : Blanc liquoreux
Cépage : 83% sémillion, 14% sauvignon, 3% muscadelle
Domaine : La Tour Blanche
Millésime : 2016
Méthode de culture : Traditionnelle 


 

 



 

 

 




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire